Histoire

Le mois de l’histoire des noirs : une expression de reconnaissance et de célébration

« Tant que les lions n’auront pas leur historien, les histoires de chasse continueront à glorifier le chasseur ». Cet adage africain résume bien mon sentiment à l’égard du Mois de l’Histoire des Noirs.

Du primaire jusqu’à l’université, j’ai mené la quasi-totalité de mes études au Québec. Durant les cours d’Histoire à l’école primaire, les éloges ne tarissaient pas à l’égard de Christophe Colomb, le célèbre explorateur qui a découvert l’Amérique. Au secondaire, les cours d’Histoire étaient l’occasion de glorifier l’explorateur français Jacques Cartier. Eu égard au fait que la réussite du cours d’Histoire du quatrième secondaire était intrinsèquement liée à l’obtention du diplôme d’études secondaires, ledit cours révèle donc l’importance capitale que les autorités scolaires y accordent. Le niveau collégial octroyant aux étudiants une plus grande liberté éducative, les cours d’Histoire n’étaient pas obligatoires ; cependant, pour n’en citer que quelques-uns, ces cours étaient aussi l’occasion de louanger les Jean-Talon, Samuel de Champlain, Jean Lesage et René Lévesque (pour n’en citer que quelques-uns) de l’Histoire du Québec.

Aimant l’Histoire, je me suis inscrit à un cours d’Histoire à l’université : Histoire du Québec, depuis 1867. Avec enthousiasme, le professeur nous en a beaucoup appris sur la « Nuit des Longs Couteaux », les traitements discriminatoires que la bourgeoisie anglophone faisait subir aux Canadiens français dans les usines de la métropole, la mainmise et le contrôle de la province par l’Église catholique (par surcroît avec la complicité du premier ministre de l’époque : Maurice Duplessis dont le règne mérité le surnom de « Grande noirceur »), la Révolution tranquille, le Front de libération du Québec, les référendums de 1980 et 1995, et encore une fois, j’en passe.

Au fil des années, ayant développé une vision plus critique de la société dans laquelle nous vivons, j’en suis venu à un constat préoccupant durant une soirée de discussion avec des amis. En effet, durant toutes ces années d’étude durant lesquelles je me suis instruit sur l’Histoire du Québec, force m’est-il d’en conclure qu’aucun des nombreux cours d’Histoire que j’ai suivis (du primaire à l’université) ne fut l’occasion d’aborder la contribution des personnes de couleur à la société québécoise : le développement réussi de notre société ne serait que l’apanage glorieux des Blancs. Bien sûr, je ne veux pas sous-estimer les immenses sacrifices que de nombreuses générations ont dû s’imposer pour jouir de droits sociétaux dont moi-même j’ai le privilège de bénéficier aujourd’hui. Mais il ne faut pas oublier que de nombreuses personnes de couleur ont contribué au développement socio-économique et politique du Québec.

C’est la raison pour laquelle il importe – le geste est même primordial – de célébrer le Mois de l’Histoire des Noirs, ne serait-ce que pour se rappeler que nous aussi, nous avons d’une manière non négligeable contribué à l’édification de cette société. Nous devrions profiter de cette occasion (qui revient année après année) pour honorer par exemple Mathieu da Costa pour son importante contribution : avec ses talents exceptionnels de traducteur, cet esclave libre explorateur qui faisait partie de l’équipage de Samuel de Champlain a aidé à amorcer un rapprochement significatif entre les peuples des Premières Nations et les premiers explorateurs français. Nous avons un devoir de commémorer la brigade de soldats noirs qui ont pris part à repousser l’invasion américaine de 1812. Nous devrions aussi célébrer les professionnels et intellectuels haïtiens qui ont immigré au Québec dans les années1960, ceux-ci ayant contribué au développement autant du système éducatif que celui de la santé du Québec. Nous devrions fêter les musiciens de jazz noirs qui, au début du 20ième siècle, ont participé à la vie culturelle de Montréal, de ce fait faisant reconnaître Montréal mondialement. Nous devrions en faire un devoir – je dirais même un point d’honneur –afin qu’ils s’inscrivent concrètement dans la mémoire collective des Québécois.

Avec un premier ministre québécois qui refuse de reconnaître qu’un racisme indéniablement systématique sévit encore au Québec (ne serait-ce qu’eu égard aux exemples éloquents de profilage racial qui ont récemment fait les manchettes), nous avons le devoir de mettre à profit le Mois de l’Histoire des Noirs pour rappeler à tous les Québécois que nous aussi, nous avons contribué à façonner la société québécoise d’aujourd’hui, et qu’implicitement, nous avons donc pleinement le droit d’y vivre et d’y être traités en égaux comme tous les autres citoyens. Si nous ne racontons pas notre propre Histoire en ce mois de février choisi pour cela, les livres et les cours d’Histoire continueront à se vautrer dans l’unique glorification des Blancs et l’oublides Noires malgré leur indéniable contribution au développement du Québec.

Le mois de février est le Mois de l’Histoire des Noirs ; soyons fier et fière de notre Histoire, racontons notre histoire, soyons nos propres historiens en ce mois.

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