Droits

La Loi 21 devant les tribunaux

Article co-écrit par Lina Benredouane et Clémence Duranleau-Hendrickx

Le 19 juin 2019, l’Assemblée nationale du Québec a adopté un projet de loi intitulé « Loi sur la laïcité de l’État », mieux connue sous le nom de la Loi 21.  Promesse phare de la Coalition avenir Québec lors de la campagne électorale de 2018, cette nouvelle loi interdit le port de signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité, notamment aux enseignants des niveaux primaires et secondaires, aux policiers et aux gardiens de prison. Cette loi a été adoptée sous bâillon à l’Assemblée nationale, ce qui signifie que le gouvernement Legault, étant majoritaire en termes de sièges, a eu recours à « cette procédure dans le but de faire adopter un ou plusieurs projets de loi, notamment en restreignant la durée du débat et, par conséquent, le temps de parole des députés ».

Depuis le début, cette loi fait réagir puisqu’elle oppose plusieurs camps idéologiques. À la fin de l’année 2020, la Loi 21 a été contestée devant les tribunaux par différents intervenants s’opposant à celle-ci. Après plusieurs mois, le juge Marc-André Blanchard de la Cour supérieure a rendu sa décision dans le dossier le mardi 20 avril dernier. Tout en maintenant en très grande majorité la Loi 21, le juge a invalidé les dispositions relatives aux commissions scolaires anglophones et aux élus de l’Assemblée nationale. Cela signifie que les employés des commissions scolaires anglophones pourront porter des signes religieux au travail et il en sera de même pour tout élu de l’Assemblée nationale. Les autres dispositions de la loi interdisant le port de signes religieux à différents corps professionnels étatiques, notamment aux enseignants des commissions scolaires francophones, aux corps policiers et aux agents correctionnels, sont maintenues.

Le gouvernement Legault a invoqué la disposition dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après, Charte canadienne) lorsqu’il a adopté la Loi sur la laïcité de l’État. Cela faisant, la disposition dérogatoire permet de pouvoir contrevenir aux articles 2 et 7 à 15 de la Charte canadienne, sans que les tribunaux ne puissent s’y opposer. C’est donc pour cela que la loi n’a pas pu être invalidée, notamment sur la base du droit à la liberté de religion, protégé par l’article 2a) de la Charte canadienne, et ce, même si le Juge Blanchard a déclaré que la loi « empiète lourdement sur les droits à la liberté de conscience et de religion. » Les opposants à la Loi 21 ont ainsi dû attaquer cette dernière sur d’autres points que la violation de ces articles.

Le Juge Blanchard a exempté les commissions scolaires anglophones de l’application de la Loi 21 sur la base de l’article 23 de la Charte canadienne : le droit à l’instruction dans la langue de la minorité. C’est ce droit qui permet à la minorité anglo-québécoise d’étudier en anglais et aux franco-canadiens d’étudier en français. L’article 23 garantit un pouvoir de gestion, dans le domaine de l’éducation, à la minorité linguistique, francophone ou anglophone, d’une province. En l’espèce, le juge Blanchard considère que l’application de la Loi 21 aux commissions scolaires anglophones, minorité linguistique au Québec, viole le droit de gestion de celles-ci en réglementant les personnes qu’elles peuvent embaucher, soit celles n’abordant pas de signe religieux. Ainsi, les employés des commissions scolaires anglophones sont exemptés de l’application de la Loi 21, tandis que les employés des commissions scolaires francophones y restent soumis puisque les commissions francophones ne bénéficient pas du droit de gestion procuré par l’article 23 à la minorité linguistique d’une province.

Pour ce qui est des élus, c’est en vertu de l’article 3 de la Charte canadienne qui garantit des droits démocratiques aux citoyens, dont celui de se porter candidat et de siéger au sein d’une institution démocratique, que le Juge Blanchard a invalidé la disposition leur interdisant le port de signes religieux. Les articles 3 et 23 de la Charte canadienne ne sont pas des articles assujettis à la disposition dérogatoire, ce qui signifie que la Cour peut se prononcer sur la violation des droits encourus par la Loi 21.

Le procureur général du Québec a déjà annoncé son intention de porter en appel, à la Cour d’appel du Québec, le jugement de la Cour supérieure. Le ministre de la justice du Québec, Simon Jolin-Barrette, a justifié cette décision, notamment parce que « l’article 23 [de la Charte canadienne] n’a pas été conçu pour ça. » Plusieurs prédisent que la cause se retrouvera devant la Cour suprême du Canada, qui constitue la plus haute instance du pays et dont la décision est sans appel. Le parcours judiciaire de la Loi sur la laïcité de l’État ne fait que commencer, et bien malin celui qui pourrait prédire ce qu’il en adviendra…

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