Droits

Abroger les PMO pour des peines plus appropriées

Le 7 décembre dernier, le gouvernement fédéral a déposé le projet de loi C-5[1]visant l’abrogation de certaines peines minimales obligatoires (PMO), principalement celles d’articles concernant des crimes de drogues et d’armes à feu. C’est dans l’optique de laisser un plus grand pouvoir discrétionnaire au juge et en contrant un racisme systémique reconnu à l’intérieur du droit criminel et pénal que le Parti libéral du Canada (PLC) a promu le projet de loi à la Chambre des communes.

Les PMO viennent établir une peine minimale empêchant, par ce fait, les juges d’aller en-dessous du barème fixé et d’exercer un pouvoir discrétionnaire. Des sanctions comme l’emprisonnement par sursis ou l’absolution ne peuvent être appliquées en présence de PMO, ce qui peut engendrer une peine disproportionnée, dans certains cas, pour le délinquant.[2] Ce processus freine les juges dans l’application de sanctions qui seraient plus adéquates dans certains contextes et qui pourraient éviter une condamnation.

Historiquement, les PMO avaient été instaurées dans l’optique d’avoir un impact dissuasif[3].Cependant, depuis plusieurs années, leur pertinence est remise en question dans plusieurs causes. Coût supplémentaire, délai astronomique et disproportion de la peine ont été des arguments soulevés devant les tribunaux. Le projet de loi du PLC propose des modifications au Code criminel[4] en retirant 14 PMO, et à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances[5] (LRCDAS) en retirant six PMO[6]. Principalement, les infractions visées concernent les armes à feu et certaines drogues. Des PMO demeureront en vigueur pour certains crimes, notamment le meurtre, la haute trahison, les infractions sexuelles, pour ne nommer que ces exemples.[7]

Pas une première du PLC

Le Parti libéral du Canada (PLC) en n’est pas à sa première tentative de retrait de certaines PMO. En février dernier, un projet de loi similaire avait été déposé, mais il n’avait pas été promulgué avant le début de la campagne électorale en août[8].Finalement, l’idée initiale est revenue sur la table avec le projet de loi C-5 à l’intérieur des 100 premiers jours du mandat du ministre. Le ministre de la Justice du gouvernement fédéral, David Lametti, a voulu répliquer aux anciennes politiques du Parti conservateur du Canada (PCC) en abrogeant des peines ayant un impact plus nocif que dissuasif pour la société.

Selon les Libéraux, les statistiques sont significatives. Un racisme systémique est bel et bien présent à l’intérieur du droit criminel et pénal au Canada[9].Lors de la première lecture de projet de loi C-5, le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada Gary Anandasangaree, a mentionné : « Les chiffres sont éloquents. Les Canadiens noirs représentent 3 % de la population canadienne, mais 7 % de la population carcérale dans des pénitenciers fédéraux. Les Autochtones représentent environ 5 % de la population canadienne, mais 30 % des détenus sont sous responsabilité fédérale. Le nombre est beaucoup plus élevé chez les femmes autochtones, qui représentent 42 % des détenues. »[10]

Les PMO entraînent la conséquence néfaste de créer une réelle disproportion à travers la population dans le milieu carcéral. En permettant une plus grande discrétion quant aux peines d’emprisonnement par sursis, les délinquants présentant un moins grand risque pour la société auront des mesures plus adaptées. Des conditions plus appropriées telles que purger les peines dans la communauté avec des conditions strictes augmenteront la possibilité de réinsertion sociale[11].

L’inconstitutionnalité de certaines peines

Avant la présentation du projet de loi C-5, l’enjeu des PMO était bien connu des tribunaux. Déjà en 1987, l’arrêt R c. Smith[12] s’est rendu jusqu’à la Cour suprême du Canada (CSC) afin d’invalider une peine minimale obligatoire. C’est à l’aide du processus de l’article 12[13] de la Charte canadienne des droits et liberté[14]que la PMO peut être reconnue comme inconstitutionnelle.

L’article 12 est invoqué lorsqu’il y a le traitement de peines cruelles et inusitées.  En termes de chiffres, selon le gouvernement canadien, 69% des contestations constitutionnelles des PMO relatives à la drogue ont fonctionné et du côté des PMO concernant les armes à feu, cette statistique monte à 48%[15]. En ce moment, ce sont plus de 210 contestations des PMO par la Charte qui sont suivies par le ministère de la Justice du Canada[16].

Si les peines minimales obligatoires ont été instaurées afin de créer une « équité » dans les sanctions imposées, nombreuses d’entre elles sont considérées comme disproportionnées. C’est d’ailleurs le cas dans l’arrêt R c.Nur,[17] qui n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de contestation de PMO par la Charte. Cette cause mettait en application la PMO de l’article 95(2) du Code criminel concernant la possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte avec des munitions. Cet arrêt mentionnait que même si dans ce cas précis, la peine semblait proportionnelle, elle pouvait avoir une portée cruelle ou inusitée sur un autre délinquant. La CSC a tranché en déterminant les PMO de l’article 95 (2) du Code criminel comme étant inconstitutionnelle.  La peine énoncée par ce même article est d’ailleurs l’un des amendements ciblés par le projet de loi C-5.

Les contestations des PMO par la Charte ont aussi comme effet d’engorger davantage les tribunaux. En mettant les causes en appel sur ce motif, les procès deviennent plus longs et compliqués, ce qui va à l’encontre des principes de l’application des peines énoncées à l’article 718 du Code criminel comme celui de « susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes ou à la collectivité ».[18]

Le projet de loi C-5 s’inscrit comme un vecteur de changement contre les peines disproportionnées et le racisme systémique bien présent à l’intérieur du droit criminel et pénal. En abrogeant ces peines, c’est l’ensemble du système qui subira des changements, passant des policiers aux procureurs qui devront revisiter leur manière de procéder lors d’une arrestation. Au lieu de regarder immédiatement pour des accusations, des programmes, par exemple, pourraient être considérés afin de favoriser une meilleure réorientation du délinquant. Moins de peines minimales obligatoires pour plus de sanctions adéquates porteront probablement fruit au Canada.

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