À l’approche du temps des Fêtes et des repas familiaux, on ne peut passer sous silence les discussions qui reviennent d’année en année sur le poids des gens. Qui n’a jamais entendu entre deux bouchées de dinde une tante lancer à son neveu un commentaire sur son apparence? Ou encore une maman parler de son enfant en décrivant sa composition corporelle? Sans compter les mentions à connotation positive sur une remarquable perte de poids du cousin, les plaisirs « coupables » de manger avec gourmandise en cette période de réjouissance et d’abondance, etc. Du 29 novembre au 3 décembre dernier se tenait la campagne de sensibilisation la « Semaine Le poids? Sans commentaire! » ayant comme objectif de conscientiser la population à l’omniprésence et aux conséquences négatives des commentaires sur le poids et l’apparence physique.
Gros? En surpoids? Obèse? Enrobé? Comment nommer la personne qui, selon les normes sociales et les balises que se sont données les spécialistes de la santé, « dépasse » ce fameux indice de masse corporelle (indice désormais remis en question et pour cause).
Malgré les dénominatifs qui font controverse au sein de la communauté à l’effet qu’il faille « appeler un chat un chat », en d’autres mots, une « grosse » personne par le qualificatif associé, c’est plutôt la connotation qu’on lui associe qui peut poser problème. Or, la valeur associée à la minceur et donc par le fait même la dévalorisation à l’effet d’être gros contribue à la discrimination basée sur le poids.
Chez le médecin
Cette discrimination basée sur le poids corporel ne s’arrête pas seulement aux principaux stéréotypes relatifs aux grosses personnes au sein de la société (« faibles », qui s’alimentent « mal et trop », qui sont moins productives, paresseuses, ignorantes, « sales », qui manquent de contrôle. Ainsi, cette discrimination se répercute également dans le milieu médical.
Or, les études faisant état de cette discrimination basée sur le poids dans le bureau du médecin ainsi que les témoignages peu reluisants en la matière abondent lorsque l’on questionne les personnes grosses sur leur expérience personnelle. Selon Gupta et al.[1], les données d’une enquête transversale portant sur la discrimination dans le système de soins de santé parmi les adultes au poids plus élevé, un échantillon de 400 médecins de famille exerçant au Canada a révélé les réponses d’une proportion importante de répondants qui évoquent un biais lié au poids : 49 % étaient d’accord avec l’énoncé selon lequel « les personnes obèses augmentent la demande à l’égard du système de soins de santé public », 33 % ont déclaré qu’ils « se sentent souvent frustrés par les patients obèses », 28 % que « souvent les patients obèses ne respectent pas les recommandations de traitement », 19 % qu’ils « ressentent du dégoût lorsqu’ils traitent un patient obèse » et 17 % ont indiqué qu’ils « pensent parfois que les personnes obèses sont malhonnêtes ».
Non seulement les personnes qui consultent ne reçoivent pas toujours les traitements médicaux adéquats pour lesquels elles se rendent chez le professionnel de la santé, mais la première chose que leur répondra souvent le médecin, sans égard à leur motif de consultation, est qu’elles devront perdre du poids pour améliorer leur condition. C’est comme si on balayait du revers le caractère global de leur situation en la réduisant à sa plus simple expression. Parfois, le motif de consultation est carrément éludé. Par conséquent, leur douleur à la cheville ou leurs migraines récurrentes demeurent irrésolues.
Il appert que certaines de ces personnes sont en santé malgré leur « surpoids » et que le « bobo » pour lequel elles consultaient à la base est minimisé, voire non adressé, puisque la grosseur, ça saute aux yeux.
Stigmatisation
Selon Obésité Canada[2], « la stigmatisation et la discrimination peuvent être vues selon les formes suivantes :
Conséquences et souhaits d’avenir
Les répercussions de ces discriminations engendrent un cercle vicieux pour ces personnes grosses. Cela est perceptible par exemple par une tendance de leur part à moins consulter des spécialistes de la santé après un enchaînement d’expériences négatives ou une frustration de se sentir incomprises. En conséquence, plusieurs problèmes de santé peuvent s’aggraver, et même contribuer à la prise de poids (une blessure de genou non traitée qui renforce l’immobilité, par exemple). Qui plus est, de nombreuses problématiques de santé mentale peuvent découler de la discrimination récurrente à l’égard du poids telles que la dépression, l’anxiété, la faible estime de soi, les troubles alimentaires, etc. Cela peut même renforcer certaines habitudes de vie ou comportements négatifs comme un évitement de l’exercice physique et un isolement social.3
Il ne fait aucun doute que le besoin de poursuivre la sensibilisation en matière de grossophobie et de discrimination à l’égard du poids à travers les différents milieux de la société perdure, à commencer par l’éducation des plus jeunes ainsi que de tenir compte de nos propres préjugés à l’égard des personnes grosses. En ce temps des festivités à venir, portons une attention particulière aux commentaires faits sur la composition corporelle des personnes qui nous entourent et aux remarques grossophobes renforçatrices de la culture des diètes qui surviennent trop souvent. Permettons-nous d’avoir un regard critique sur les biais que nous entretenons à l’égard des caractéristiques associées aux personnes grosses et aux multiples facteurs complexes contribuant à l’obésité. Ainsi, nous réussirons avec le temps à faire des milieux de soins des environnements sécuritaires où les patients seront traités équitablement et se sentiront en confiance, guidés vers la résolution de leurs problèmes de santé sans égard à leur poids.
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