Discrimination

Violences de rue à Montréal : De quoi parle-t-on?

Cela fait plusieurs mois que les Montréalais entendent parler d’une montée de la violence dans les rues de Montréal, dans les journaux, aux nouvelles, à la radio ou sur les réseaux sociaux. Certains s’en inquiètent et appellent à des mesures immédiates et efficaces, d’autres n’y prêtent pas attention ou affirment que les médias exagèrent la situation. Qu’en est-il réellement, quelles sont les implications de cette nouvelle criminalité et faut-il s’en inquiéter?

Avant de répondre à ces questions, il est nécessaire de présenter un contexte clair de ce phénomène. Le Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) déplore une forte hausse des fusillades entre 2020 et 2021. Cela peut être illustré par le nombre d’évènements impliquant des armes à feu, mais également par le nombre de douilles retrouvées sur les scènes de crime. D’après une compilation déposée en cour par un expert du SPVM, à peu près 400 douilles ont été retrouvées sur les lieux de fusillades pour un total de 115 évènements en 2020. En août 2021 seulement, on en comptait déjà 367 pour 100 évènements. D’après ces chiffres, on pourrait prévoir 550 balles tirées d’ici la fin de l’année.

Cela est très inquiétant pour de nombreux spécialistes et pour les citoyens, car la majorité de ces tirs prennent place dans des zones urbaines ou dans des zones résidentielles. Non seulement les protagonistes des fusillades se mettent-ils eux-mêmes en danger, mais ils portent aussi atteinte à l’intégrité physique des personnes habitant aux alentours et pouvant être atteintes par des balles perdues. Certains projectiles peuvent se rendre jusqu’à 1,5 km de distance. À titre d’exemple, dans le quartier de Saint-Léonard (où de nombreux « shootings » ont lieu), des balles ont été retrouvées encastrées dans le mur du salon d’un résident de 60 ans.Mais des innocents peuvent également perdre la vie et chacun a à l’esprit la mort tragique,en février dernier à Saint-Léonard, de Meriem Boundaoui, une adolescente de 15 ans ou encore de celle de trois hommes à Rivière-des-Prairies en août.

La recrudescence de ce phénomène criminel peut être expliqué par différents facteurs. D’une part, on voit apparaître sur les réseaux sociaux une banalisation et une glorification du port d’arme à feu chez les jeunes et chezles gangs montréalais. Le nombre de signalements d’armes sur Internet est si élevé que la police montréalaise ne les traite plus, selon le témoignage d’un policier du SPVM. De plus, on constate que le marché noir prolifère : à Montréal, une arme peut se vendre jusqu’à 5000 dollars. La police montréalaise déplore également l’arrivée d’une nouvelle technologie américaine permettant de faire des copies de pistolet Glock sans numéro de série et à faible coût.

De son côté, le gouvernement québécois actuel ne semble pas vouloir inquiéter les Montréalais davantage. En effet, madame Chantal Rouleau, ministre responsable de la région de Montréalet de la Métropole, affirme que « Montréal reste une ville sécuritaire ».

Malgré sa volonté de rassurer les habitants de la métropole, la CAQ a lancé en septembre l’opération Centaure contre la violence liée aux armes à feu. Ce projet vise à mobiliser 90 millions de dollars pour venir en aide aux policiers, notamment en ajoutant 107 personnesà leur effectif. La Gendarmerie royale du Canada (GRC), les agents frontaliers fédéraux et les corps policiers autochtones portent une main forte à cet effort. L’aide de la Police provinciale de l’Ontario et du département de la Sécurité intérieure des États-Unis est aussi à prendre en compte. Il est important de préciser que ces fonds monétaires serviront principalement à la répression et non pas à la prévention.

Ce sujet ne fait pas débat seulement au niveau du gouvernement, mais a également été un objet de préoccupation aux dernières élections municipales. Certains candidats veulent raffermir l’ordre, comme Denis Coderre qui a proposé d’embaucher 250 policiers de plus pour le SPVM. D’autres ont plutôt appelé à la prévention, comme Will Prosper dont la stratégie aurait plutôt consister à augmenter le nombre de travailleurs de rue agissant directement sur le terrain.

Même si la sécurité des Montréalais reste primordiale, de nombreux militants et experts appellent à ne pas perdre de vue la lutte contre les violences policières et le profilage racial. Pour Massimiliano Mulone, professeur agrégé à l’École de criminologie de l’Université de Montréal : « On doit pouvoir, dans une société, lutter contre les discriminations raciales, qui sont évidentes, sans que cette lutte soit mise en opposition avec la sécurité publique ».

D’autres, cependant, affirment que les idéologies antiracistes dénonçant le profilage racial représentent un obstacle au travail des policiers en les empêchant de prévenir de futures fusillades par des collectes d’informations et par le maintien de l’ordre. Stéphane Wall, superviseur retraité du SPVM, appelle, dans une lettre publiée dans la Presse, à ne pas laisser les idéologues prendre « le contrôle de l’agenda de la sécurité publique » comme à Toronto, où, selon lui, les gangs de rue ne sont plus inquiétés par la police et agissent quasi-impunément.

Selon moi, une augmentation des effectifs et des efforts de répression de la police montréalaise s’impose, et peut coexister avec une sensibilisation des membres du SPVM aux questions de discrimination et de singularités des différentes cultures existant dans notre métropole. Ce débat, opposant d’une part la sécurité des minorités et de l’autre celle des Montréalais, semble être absurde, car les premiers touchés par les violences de rue sont bien souvent des membres de minorités visibles vivant dans les quartiers défavorisés. Engager tous les efforts possibles pour endiguer le phénomène des fusillades ne pourrait que leur rendre service et améliorer leur qualité de vie.

Ces débats se poursuivront sûrement pendant une longue période, d’autant plus que la situation ne semble qu’empirer. À chacun de former son avis, entre répression et prévention, face à cette situation dont il ne faut pas oublier la forte complexité et les causes multiples.

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